Eloge du Cérumen

La forêt noyée. Calédonie

Nous sommes en juin, et Mr P. 91 ans arrive, sourd comme un pot. J’examine ses oreilles révélant deux bouchons.

N’est il de plaisir aussi grand en médecine générale, de satisfaction plus jouissive que celle aussi simple d’extraire un bouchon de cérumen ?

Je crois pouvoir dire que jamais au grand jamais un bouchon ne m’a résisté, du plus petit à celui qui cache la forêt. Et quelles forêts ! Je crois que j’ai toujours été fasciné par la capacité du corps humain à produire des quantités abominables de cérumen. Nous avons tous notre dada, notre petit domaine d’exception; et je crois pouvoir dire humblement que l’extraction de bouchons fait partie de mes petits plaisirs de médecin crado.

Vient en premier l’inspection du désastre : affleurement au pavillon de l’oreille, ou bouchon plus impacté dans le conduit, repérage d’une brèche par laquelle nous pourrons opérer. Alors, tranquillement, je prépare l’intervention : fait couler l’eau tiède dans l’évier, pose une serviette sur l’épaule, plonge ma poire dans l’eau à température jusqu’à l’emplir pleinement.

D’un geste lent et précis j’insère la poire, l’incline d’un angle propice qui fera que l’eau passera derrière le bouchon et, par un effet métaphysique (venturi ?), viendra le pousser vers l’extérieur. Répétant le geste inlassablement, celui-ci finit toujours par sortir, flottant en eaux troubles, pour le plus grand étonnement des patients qui retrouvent alors une audition Dolby Stéreo Surround.

16h20, Mr P exhulte. A quatre-vingt onze ans il retrouve l’audition, grâce à une poire et de l’eau.

Le bonheur réside dans les choses simples.

Docteur même pas peur

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